| Monsieur Jean-Pierre MASSAUT Ce Noël 2023 marque, pour tous les siens et pour les historiens de l’Église et de la Renaissance, la fin d’une solide collaboration érudite pour l’étude des mouvements de réforme du catholicisme, de ses causes et de ses obstacles, mais plus encore elle signe la fin d’une étonnante et féconde fraternité pour ouvrir une nouvelle manière de comprendre l’histoire religieuse. Un compagnonnage commencé pour nous par la médiation de Philippe Denis et parachevée dans le groupe de la Bussière ou dans les multiples séminaires et colloques érudits entre Belgique et France. Cette amicale proximité passait par la lecture précise et contextualisée des textes, la mise en commun des connaissances et des interrogations sur ces univers de pensée si différents des nôtres sans doute, mais si proches dans une même angoisse partagée pour l’avenir, sans tabou et sans hiérarchie mandarinale. Ce fut pour beaucoup d’entre nous l’apprentissage de la lecture critique des textes d’une époque, mais aussi des postures, des ambiguïtés, voire des hypocrisies, bref, de notre capacité d’analyse conséquente et ardente des faits religieux d’hier et d’aujourd’hui sans pour autant, comme Érasme lui-même, refuser la foi au Christ et en l’Église, même si cette dernière faisait partie des discussions érudites qui partageaient la désolation des humanistes pour le succès trop souvent observé des catholiques les plus radicaux. En arrière-fond de ces transmissions de maître à disciple et/ou de disciple à maître, nous n’oublierons pas notre théâtre commun d’exercice de la conversation, une musique de fond que sa disparition en ces temps et dans ces conditions de fin de vie réactive : elle montrait et elle continue à dessiner la naissance et l’entretien d’une foi commune en l’Incarnation, qui est à l’origine d’une nouvelle fraternité dans le temps et l’espace. Elle rejoint à la fois l’interrogation sur ce monde à la façon de Josse Clichtove, qui n’est plus seulement classé comme un catholique réactionnaire d’un autre temps, et elle se diffuse en étant portée par une admiration profonde pour Sébastien Castellion dont l’esprit d’indépendance inspirait Jean-Pierre et ses amis qui défendent, quoi qu’il arrive, la tolérance et la liberté de penser. C’est aujourd’hui ce mystère de la tolérance, défendue contre tous les extrémismes et en toute laïcité qui nous lie. La mémoire de Jean-Pierre est de ces commencements-là pour nous tous. Nous la garderons pour ceux qui n’ont pas eu la joie de s’expliquer avec lui.
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