| Monsieur Jean-François PAIROUX Lors de sa prise de fonction en tant que psychologue, Jean-François s’est installé dans le bureau jouxtant le mien. De ce fait, j’ai été amené à le fréquenter quasi quotidiennement durant quelques trop courtes années.
Sous une apparence faite de retenue, de pudeur, et de flegme, on sentait néanmoins une tension contrôlée, une nervosité muselée, une violence rentrée, une sensibilité masquée. Mais c’était ainsi, pour lui, un professionnel se devait d’être contenu, impassible et réservé.
La rencontre de l’exubérance spontanée de la Basse-Meuse et de l’hermétisme rugueux ardennais nous a valu une relation que je sentais faite de défiance mêlée d’attachement et de respect et, je l’espère, aussi de confiance réciproque. Une de ces relations qui aurait pu être toute autre dans un autre contexte que celui du travail.
C’était un jeune homme brillant, intelligent, minutieux, avec une capacité de travail hors du commun. Et il était fiable et honnête. C’était un professionnel dans le vrai sens du terme ; c’était de plus un chercheur.
Il investissait son travail et était investi par lui. Il a été son refuge aussi.
La perte de sa compagne l’avait dévasté. Il nous était revenu brisé et se livrait un peu plus, sporadiquement, sans étalage. Il faisait face, courageusement, bien que son désespoir soit perceptible.
Pour notre équipe, et pour le combat concernant la reconnaissance de notre métier de psychologue, il fut une bénédiction. J’ai trouvé en lui un allié que je n’espérais plus et il ne m’a jamais déçu dans son engagement.
Si je devais trouver un mot pour définir Jean-François, je dirais que c’était un « conciliateur ». Il était objectif, nuancé, réflexif et à l’écoute. C’est avec lui qu’a commencé à s’établir un esprit de groupe au sein des psychologues, une entraide, choses que je n’ai jamais connues auparavant. Son calme, sa non précipitation a rassemblé dans une énergie commune des professionnels pourtant enclins au travail solitaire. Que son départ permette à cela de perdurer, en mémoire de lui.
Réfléchissant à ce texte, je suis arrivé à la conclusion que la moralité de la fable « Le Lion et le Rat » de Jean de La Fontaine pourrait condenser et illustrer sa ligne de conduite de stratège : « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. »
Mais, pour lui, que ce temps fut court, odieusement court … Nos confrontations d’idées me manqueront et notre équipe a perdu sa clé de voûte.
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